[Victor Hugoal – Épisode 1] Dans l’Angleterre footeuse et populaire de Nick Hornby

L’Euro, le championnat d’Europe des Nations de football, a débuté ce 11 juin et la participation de l’équipe belge  suscite une incroyable effervescence dans tout le pays.
Y aura-t-il comme on le pense souvent une partition des publics rivant d’un côté les mâles alpha devant leur écran et laissant aux autres les cinémas heureusement rouverts et les livres jamais fermés ?
La nuance s’impose. Bernard Pivot, ce chantre de la littérature, n’est-il pas un supporter acharné du PSG ?
A l’heure où malgré ses dérives financières le football-business rejoint parfois certaines de nos valeurs notamment avec les campagnes « Respect » et le genou posé en terre de « Black live matter », Notre Média vous proposera de découvrir pendant la durée de la compétition une série de livres emblématiques dont le football constitue le fil conducteur. Une manière de jouer le jeu!

Nick Hornby est sans doute l’un des plus fins connaisseurs de la société anglaise et ses romans, souvent largement teintés d’autobiographie, en dépeignent de manière savoureuse les us et les travers. Il n’est donc pas étonnant que devenu un auteur culte en quelques livres, il en ait consacré un au football.

Hornby nous parle d’un temps, le sien, où le football rythmait la vie, marquait les âges, séquençait les apprentissages. De son enfance à la fin des sixties à l’entrée dans l’âge adulte sans oublier les années formatrices de l’adolescence, c’est de ballon qu’il est question.

A chaque événement du quotidien, s’accroche le souvenir d’un match, d’un but, d’une défaite, d’un exploit, d’un penalty injuste comme autant de pierres blanches posées sur le chemin de l’initiation.

Est-ce propre à l’Angleterre ? Sans doute pas : demandez le donc à quelques supporters de l’Union Saint-Gilloise !  Est-ce propre à une époque ? Indéniablement. Celle où, à défaut de pouvoir aller au stade, on tendait l’oreille vers le crachotement d’un transistor, celle où n’existait pas le foot-business et où il n’était pas rare de croiser un soir au pub la vedette du samedi précédent.

Hornby nous parle d’un temps où l’on allait au match en famille, où l’on payait sa place de quelques shillings dont la chute entraînait le carrousel métallique de l’entrée. Hornby nous parle d’un temps où le public chantait mais n’invectivait pas, hurlait mais ne sifflait pas, où le public savait applaudir en connaisseur les belles actions même venues de l’adversaire. Hornby nous parle d’un temps où l’on restait fidèle à son quartier, à ses couleurs, à son stade. Comme la majorité des supporters, il n’a jamais pu digérer le déménagement de son club de toujours, Arsenal, de l’horloge d’Highbury vers la grandeur démesurée d’un Emirates Stadium érigé à grand renfort de pétrodollars.

Retrouvez notre ami de Saint Gilles et demandez-lui s’il est prêt à abandonner l’inconfort de sa banquette du Parc Duden!

Le carton jaune éponyme devrait se colorer de rouge en se tendant vers ces actionnaires qui ont vendu l’âme des supporters pour un paquet de titres.

Mais quand la multiplication des retransmissions télévisées des mêmes affrontements entre les clubs les plus riches aura fini par lasser les vrais amateurs.trices de foot et vidé les stades, Nick Hornby, inlassablement, nous refera le match, le vrai, celui qui fait frémir, rire et pleurer. Est-ce dérisoire ? C’est en tout cas sa vie. En tout cas, même si vous détestez le foot, je prends le pari que vous adorerez ce bouquin.

Yves Vasseur 

Photo : Sylvain Anciaux

Nick HORNBY

Carton jaune

Ed.Plon, 1998. Coll 10/18 Domaine étranger

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